Histoire sociale des langues de France
langues-de-france.org
Le colloque du lancement du projet HSLF
à l'INALCO, Paris
Le programme
Les résumés
L
Le programme
Pour une Histoire sociale des langues de France : les Actes du colloque Paris - INALCO 2004
Jeudi 30 septembre 2004
- 9h30 - Accueil.
- 10h00 - Georg Kremnitz : Présentation du projet d'Histoire sociale des langues de France, questions de méthode.
- 10h20 - Questions, discussion.
- 10h45 - Fañch Broudic : La pratique du breton de l'ancien régime à nos jours : méthodologie de la recherche, résultats, perspectives.
- 11h05 - Philippe Martel : Histoire sociale de la langue occitane : bilan des connaissances, perspectives.
- 11h25 - Odile Lescure et Isabelle Léglise : Recherches sociolinguistiques en Guyane française : bilan et perspectives.
- 11h45 - Questions, discussion.
- 14h00 - Dominique Caubet : Pour une histoire sociale de l'arabe maghrébin en France.
- 14h20 - Salem Chaker : Pour une histoire sociale du berbère en France (Salem Chaker).
- 14h40 - Questions, discussion.
- 15h00 - Michel Lamothe et Eric Lawrin : Histoire sociale de la langue des signes française : bilan des connaissances, perspectives.
- 15h30 - Questions, discussion.
- 16h30 - Hervé Guillorel : Langue, nation, territoire et langues de France.
- 16h50 - Philippe Martel : La défense des langues régionales depuis la IIIème république.
- 17h10 - Questions, discussion.
Vendredi 1er octobre 2004
- 09h30 - Henri Boyer : Le sociolinguiste peut-il être neutre ?
- 09h50 - Jean Thomas : Militantisme linguistique et recherche : le cas occitan.
- 10h10 - Gabriel Bergounioux : Pour une histoire sociale de la linguistique.
- 10h30 - Questions, discussion.
- 11h15 - Marie-Christine Hazaël-Massieux : Un peu d'histoire pour comprendre structures et statuts des créoles.
- 11h35 - Jean-Michel Eloy : Permanence et réémergences des langues d'oïl contre la langue du pouvoir : quel sens social ?
- 11h55 - Questions, discussion.
- 14h00 - Table ronde : Pour une histoire sociale des langues de France : méthodologie et objectifs.
Participants :
Animateurs :
- 15h45 Discussion générale et clôture des débats : cette discussion est destinée principalement à dessiner les contours et l'organisation du projet.
- 17h00 - Fin.
Les résumés
La pratique du breton de l'ancien régime à nos jours : méthodologie de la recherche, résultats, perspectives.
Fañch BROUDIC, CRBC - Université de Brest.
On a manqué pendant longtemps, pour le passé comme pour le présent, de données fiables sur la pratique sociale de la langue bretonne, et les chercheurs ont longtemps buté sur "la pénurie de chiffres". Il est vrai que, jusqu'à celui de 1999, aucune question n'avait jamais été posée sur ce sujet dans le cadre des recensements.
Pour le passé, on peut, à partir de diverses sources archivistiques aussi bien qu'imprimées, établir un état rétrospectif des usages de langues à différentes périodes. Pour le présent, les sondages permettent d'obtenir des chiffres-clés, de caractériser la population locutrice, d'aborder les problèmes de transmission de la langue, d'étudier l'opinion des personnes interrogées sur leur langue, etc…
Peut-on réconcilier diachronie et synchronie ? Il s'agit de parvenir à ce qu'A. Martinet définissait comme la prise en compte "dynamique" des faits. De quantifier à chaque fois que possible, afin de proposer une périodicisation. Mais aussi de faire appel à l'histoire, et d'inventer en quelque sorte une sociolinguistique historique. Il est certain que, de la fin du XVIIIe siècle au début du XXIe siècle, la pratique du breton s'est singulièrement tansformée.
Histoire sociale de la langue occitane : bilan des connaissances, perspectives.
Philippe MARTEL, ReDOC - CNRS.
Les études sur l'histoire sociolinguistique de l'occitan commencent à avoir elles-mêmes une histoire. Sans remonter à quelques précurseurs comme le docteur Pansier en 1926, on peut rappeler le rapport de R. Lafont à l'IEO au début des années cinquante, et les travaux réalisés près de vingt ans plus tard autour du même Robert Lafont et de son équipe. La synthèse la plus récente (Dix siècles d'usage et d'images de l'occitan...) fait le point sur ce que l'on sait aujourd'hui de cette histoire, et aussi de ce que l'on ne sait pas encore totalement. Par exemple : des données chiffrées sur le nombre de locuteurs, ou le recoupement de témoignages sur les pratiques orales de l'occitan comme du francitan; ou la pratique de l'occitan en diaspora. Ou le profil biogaphique et social des militants de la langue depuis le XIXe siècle. Ou les rythmes différents du changement de langue en fonction de la géographie (villes-campagnes,
nord-sud, est méditerranéen /ouest aquitain... Sans oublier la problématique des autres langues présentes sur le territorie linguistique d'oc. Ce sont ces pistes, et d'autres encore, qu'il conviendra d'explorer dans les années qui viennent.
Permanence et réémergences des langues d'oïl contre la langue du pouvoir : quel sens social ?
Jean Michel ELOY, LESCLaP - CEP - Université d'Amiens.
L'histoire des langues d'oïl s'inscrit dans le procès de la divergence des langues romanes : leur histoire sociale est celle de la "reconnaissance-naissance" (Marcellesi). Leur intérêt scientifique exige une vue dynamique, constructiviste, et sociolinguistique, de la notion même de langue.
La chronologie est décisive : les faits systémiques divergents sont fortement attestés, mais la langue d'oïl médiévale ne répond pas aux mécanismes normatifs qui seront ceux du français à partir de la Renaissance. Au 17e s., la distinction des variétés naît de l'exclusion par le français. A partir du 18e s., ces variétés passent du statut de procédé littéraire à celui de langue littéraire, tout en restant ancrées dans les couches sociales illettrées. Il y a donc une tension entre leur élaboration en langues et leur statut social.
On examinera, à propos du picard en particulier, différents aspects évolutifs de la conscience linguistique : développement du mouvement culturel, place des lettrés, attitudes politiques, forces et faiblesses des sensibilités favorables à la langue.
Pour une histoire sociale de l'arabe maghrébin-darja en France.
Dominique CAUBET, CRÉAM - INALCO
Les relations entre le France et le Nord de l'Afrique ont une longue histoire qui fait que les langues maternelles originelles de ses habitants, berbère et arabe maghrébin, sont très présentes en France métropolitaine aujourd'hui, en tant que langues parlées, mais également utilisées dans la création artistique contemporaine et sources d'emprunts pour l'argot ou les parlers jeunes.
Bien qu'elle soit restée longtemps une langue de l'immigration, la darja fait aujourd'hui partie de la culture et de la société françaises, désormais plurielles. En situation de contact et en tant que langue dominée, elle emprunte au français et se mélange à lui, mais elle est également source d'emprunt, et joue le rôle de langue ressource, en particulier quand le besoin de créativité se fait sentir, dans la domaine artistique ou linguistique ; ce qui est un signe de sa vitalité.
La liberté dont elle jouit n'y est sans doute pas étrangère, puisqu'elle n'est pas associée aux domaines tels que religion ou nationalisme ; elle dépasse les communautarismes, permettant à des citoyens issus de parcours migratoires qui devraient les opposer (rapatriés vs immigrés) de se rejoindre grâce à la complicité que leur procure cette langue et la culture qu'elle véhicule. Langue de la laïcité en France, et langue de la modernité quand elle est massivement présente dans les Nouvelles technologies, SMS, chats, courriels…
Pour une histoire sociale du berbère en France.
Salem CHAKER , CRB - INALCO
1. Le berbère en France : une présence ancienne et conséquente
2. Le berbère en France : maintien, transmission et développement, une situation complexe et incertaine
Recherches sociolinguistiques en Guyane française : bilan et perspectives.
Odile LESCURE (CNRS - CELIA)
Isabelle LEGLISE (CNRS - CELIA, Université de Tours)
Après avoir présenté l'orientation ethnolinguistique des premiers travaux sur les langues amérindiennes parlées en Guyane Française, les motivations des chercheurs et leur implication dans les projets d'enseignement en langue d'origine, nous insisterons sur la nécessité de travaux sociolinguistiques, travaux qui ont été développés en Guyane récemment. Puis nous présenterons l'orientation inter-disciplinaire actuelle des recherches dans le cadre du contact de langues (aux niveaux linguistique, sociolinguistique, socio-anthropologique et en termes d'implications didactiques).
Histoire sociale de la langue des signes française : bilan des connaissances, perspectives.
Michel LAMOTHE (Université de Poitiers)
Eric LAWRIN (Université de Paris 8)
L'histoire de la langue des signes, en tant que langue des sourds est étroitement liée à celle des sourds eux-mêmes. Sans « territoire » au sens habituel de ce mot, objet d'une transmission de génération en génération qui n'est pas essentiellement familiale, cette langue sans écriture, liée au destin de ceux qui « n'entendent pas » a trouvé pour lieu d'expression les grandes institutions, les associations… voire très minoritairement les familles.
Une première approche s'impose donc pour connaître cette histoire institutionnelle. En effet, construite en dehors de « l'école publique » les grandes institutions, pour la grande majorité confessionnelles, ont marqué très fortement l'histoire du rapport de la société aux sourds et donc à la langue.C'est à la fois un déni « d'instruction publique » et un « déni de langue » qui ont prévalu aux 19ème et 20ème siècle….
L'articulation de ces « deux histoires » est permanente et complexe. En les développant séparément je prends le risque d'une simplification mais me semble-t-il le pari d'éclairer sur la responsabilité de l'Etat dans son manque récurrent de courage à l'égard de cette communauté et de sa langue.
Langue, nation, territoire et langues de France.
Hervé GUILLOREL, CNRS - LASP Université de Paris 10
La mise à plat « synchronique » de l'hétérogénéité linguistique de la France contemporaine (les fameuses « 75 langues » de/en France), quelles que soient les lectures sociolinguistiques, politiques et idéologiques qu'on pourrait en faire, ne doit pas oblitérer une autre analyse nécessaire, celle d'une analyse diachronique, sur la longue durée, qui tenterait d'étudier la dynamique de « la question linguistique » au regard du processus d'édification étatique et nationale qui a abouti à la constitution de la France, sous sa forme « État/Nation » actuelle.
Notre communication partira d'une analyse de ce processus de construction étatique et nationale proposée par Stein Rokkan et basée sur une réflexion sur les notions de « clivages » et de leurs articulations dans le temps et dans l'espace, notamment les clivages « centre-périphérie », « Église-État » et « rural-urbain ». Cette dimension historique et comparative permet de déconstruire les lectures « nationalistes » qui donnent à voir la vision linéaire et atemporelle d'une entité réifiée (territoire, langue, “nation”, etc.), quelqu'en soit le « bénéficiaire » (France mais aussi Bretagne, Corse, etc…), et permet également de mettre en valeur la polysémie des notions ou concepts employés (ce qui est notamment le cas pour celui de “nation”) et permet donc d'identifier des « anachronismes » portant sur une expression comme celle de « langue nationale ».
La défense des langues régionales depuis la IIIème république.
Philippe MARTEL, ReDOC - CNRS
La revendication en faveur des langues provinciales/locales/régionales/de France (l'évolution terminologique a son intérêt) commence assez tôt, avant même 1870. Elle est portée, selon les régions, par l'Eglise, des associations ad hoc (Félibrige, Union Régionaliste Bretonne...), relayées (ou pas) par des députés. L'axe principal de la revendication : l'école. La réponse des ministres concernés est assez stéréotypée jusqu'à la seconde guerre mondiale(en gros, on aime bien ces langues, mais le français est prioritaire; par contre, hors de l'école, vous faites ce que vous voulez. C'est seulement au milieu du XXe (Carcopino en 41, puis Deixonne en 51) que l'école s'entr'ouvre, de façon très progressive, et non sans repentirs. Par la suite, la revendication élargit son horizon à la question des médias, à cellle de la signalisation bilingue et, parfois, de l'usage administratif de la langue . Comme l'a montré l'épisode de la Charte des langues de moindre diffusion, la partie n'est pas gagnée d'avance. Outre le déroulement chronologique des faits, ce qu'il convient d'étudier, c'est les discours produits de part et d'autre sur le sujet, leurs motivations, parfois étrangères à la question des langues, la nature aussi des renvendications, et ce qu'elle révèle de la vision que ses porteurs ont de leur propre langue, et de son rapport au français.
Un peu d'histoire pour comprendre structures et statuts des créoles.
Marie-Christine HAZAËL-MASSIEUX, Université d'Aix-Marseille I
De même que sociolinguistique et linguistique se rejoignent dans l'étude des langues créoles, histoire et présent se rencontrent : il apparaît difficile de définir les créoles sans référence à leur histoire, et l'approche des statuts de ces langues, des représentations des locuteurs, comme d'ailleurs la description linguistique ne peuvent se passer de référence à la diachronie. Les perspectives offertes par les travaux sur la grammaticalisation attirent l'attention sur les évolutions considérables qui ont affecté partout ces langues depuis leurs naissances au cours des XVIIe - XVIIIe siècles des colonisations françaises. Au-delà des ressemblances structurelles souvent évoquées, peut-on encore parler de « créoles » aujourd'hui ?
Le sociolinguiste peut-il être neutre ?
Henri BOYER, ARSer-DIPRALANG - Université de Montpellier III
Qui dit neutralité sous-entend sinon belligérance du moins antagonisme. En matière de traitement des situations de plurilinguisme, la sociolinguistique dite « périphérique » s'est distinguée dès les années soixante du XXe siècle en décelant derrière le « contact » des langues au sein d'un même espace sociétal une dynamique ouvertement ou virtuellement conflictuelle (qui peut être pour un temps occultée par la manifestation de processus compensatoires ou/et de type coopératif).
Selon cette orientation, le sociolinguiste ne saurait être neutre car « l'attitude du sociolinguiste s'inscrit dans la chaîne des comportements idéologiques où se projette la diglossie et qui inversement en favorisent l'avance historique » (Lafont, 1984) . D'où la revendication d'une sociolinguistique impliquée. Comme le proclame la revue Lengas dès ses débuts, « la connaissance telle que nous l'entendons est d'une part déterminée par la mise en place méthodologique des concepts de diglossie et d'occitan, c'est-à-dire qu'elle n'est pas neutre. D'autre part elle fait de nous nécessairement des acteurs, dans l'élucidation d'une situation conflictuelle et donc dans sa transformation » (Lengas n° 5). L'un des chapitres majeurs de la « connaissance » concerne évidemment la mise en évidence et la dénonciation de l'idéologisation du conflit diglossique (dont la fonction première est de l'occulter aux yeux des dominés), et en premier lieu du pouvoir des représentations-stéréotypes-attitudes, qui ont un impact décisif sur la situation de dominance et sa logique substitutive.
Refuser une fausse neutralité n'autorise évidemment aucune faiblesse scientifique. Et dans sa démarche scientifique, le sociolinguiste impliqué doit, me semble-t-il, établir un diagnostic irréprochable sur la base de quelques lignes de force théoriques et méthodologiques :
Pour une histoire sociale de la linguistique.
Gabriel BERGOUNIOUX, Université d'Orléans
Reconstruire la façon dont se sont constituées les études linguistiques en France permet d'éclairer les conditions dans lesquelles les langues de France (et d'ailleurs) ont été étudiées. Héritière d'une tradition d'enseignement dominée par le latin, l'Université se trouve confrontée au XIXe siècle à trois exigences mal conciliables : accompagner le développement de l'instruction primaire obligatoire en français, intégrer les acquis du comparatisme et constituer un discours savant sur des langues qui s'imposent à l'attention avec l'émergence du nationalisme ou le développement de l'impérialisme. Ces partitions majeures dominent, aujourd'hui encore, l'organisation des études linguistiques et font correspondre, selon le statut accordé aux langues, un dispositif d'enseignement et de recherche, des conditions de diffusion et une prise en considération différenciés.
On se propose, dans cette communication, de repérer les scansions majeures d'une histoire de la linguistique en France qui tienne compte (i) du rôle des associations et des établissements d'enseignement, (ii) des enjeux politiques (dans les régions, les colonies…) et de leur traduction dans le discours académique, (iii) des représentations collectives et de leurs usages expressifs ou revendicatifs.
Table ronde : Pour une histoire sociale des langues de France : méthodologie et objectifs.
Participants :
Animateurs :